Qu’est-ce que le clivage en psychologie ?

Le clivage est un mécanisme de défense, c’est à dire une manière dont le moi se protège de menaces internes ou externes, conscientes ou inconscientes. On peut définir le clivage comme l’action de séparation, de division du moi ou d’un autre, sous l’influence angoissante d’une menace, de façon à faire coexister les deux parties ainsi séparées et qui se méconnaissent. Plus simplement, on peut évoquer une perception simultanée de deux opposés en soi ou dans l’autre. Dans l’ouvrage « Les mécanismes de défense » de Ionescu et al. (2020) aux éditions Dunod, il est spécifié que le « clivage permet l’organisation des émotions, des sensations et des pensées ou encore des objets, condition préalable à tout processus d’intégration et de socialisation.« 

La notion de clivage a été utilisé dans ce sens pour la première fois par Janet d’une part en 1889 puis par Freud et Breuer en 1895. Bleuler l’employa pour décrire la psychopathologie des schizophrènes qui déploient une forme extrême de ce mécanisme lors des épisodes de délire et de dépersonnalisation. Freud abandonne un temps la notion de clivage puis y revient dans son œuvre tardive (1938, 1940) quand il le définit comme un processus par lequel le moi peut se scinder pour faire face à une réalité dangereuse.

On trouve dans l’ouvrage précité l’exemple suivant :

« Balier (1988) rapporte cet éloquent « fait divers » : Un « homme ordinaire », bon mari, bon père, bon travailleur, sans passé psychiatrique ou judiciaire notoire, étrangla plusieurs prostituées en l’espace de quelques mois, « puis il alla se dénoncer dans l’espoir de faire cesser ses cauchemars au cours desquels il revoyait ces femmes, vivantes. Il fut étonné qu’on l’arrêtât sur-le-champ, car il ne pensait pas avoir commis quelque chose de grave ». Cet homme avait souffert de carences familiales infantiles et avait quelques difficultés conjugales, ce qui n’éclairait en rien les motivations de tels crimes, qu’il ignorait lui-même.

C’est, en partie, le clivage du moi qui peut donner sens à cette conduite agressive démesurée et insensée. Dans cette observation, on relève la coexistence de deux positions antagonistes qui restent étrangères l’une à l’autre. L’une tient compte de la réalité, l’autre, sous l’influence des pulsions, « détache le moi de la réalité ». En somme, il y a deux personnes en une qui s’ignorent réciproquement : celle qui passe à l’acte, dans sa plus brutale réalisation pulsionnelle et celle qui, tenant compte de la réalité, vit « comme tout le monde » et qui, traquée en rêve par ses victimes, va se présenter aux instances policières. Bien des sujets, lors de procès en cour d’assises ou lors d’expertises judiciaires, décrivent ainsi cette méconnaissance d’eux-mêmes dans l’acte criminel, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre, ce qui va bien au-delà d’une déculpabilisation utilitaire. Le récit d’Althusser (1992) qui, dans un raptus, étrangla sa femme, pourrait aussi être évoqué dans ce cadre. »

Dans le « Vocabulaire de la Psychanalyse », Laplanche et Pontalis (1967) définissent le clivage du moi comme « La coexistence, au sein du moi, de deux attitudes psychiques à l’endroit de la réalité extérieure en tant que celle-ci vient contrarier une exigence pulsionnelle : l’une tient compte de la réalité, l’autre dénie la réalité en cause et met à sa place une production du désir. Ces deux attitudes persistent côte à côte sans s’influencer réciproquement. »

Quelques références bibliographiques complémentaires :

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